Poème en vers libres de Blaise Cendrars, 1913.
Né à La Chaux-de-Fonds (Suisse) en 1887, Frédéric-Louis "Freddy" Sauser grandit dans un cadre familial instable et difficile : déménagements, pensions, fugues. À ses 17 ans, à l'aube de la révolution russe de 1905, il est envoyé à Moscou où il travaille trois ans pour un horloger suisse. Un bibliothécaire l'encourage à se mettre à l'écriture et il compose peut-être son premier poème, La Légende de Novgorode1. Après des études de médecine en Suisse il embarque pour New York en 1911, où il écrira son premier long poème, Les Pâques, qu'il signe Blaise Cendrart. En 1912 il fonde Les Hommes nouveaux à Paris, une revue et maison d'édition qui publiera ses poèmes Les Pâques, Séquences, et en 1913 La Prose du Transsibérien.
Pour sa publication, La Prose du Transsibérien est mis en forme et illustré au pochoir par la peintre Sonia Delaunay et se veut le premier livre simultané : une présentation synchrone du texte et des couleurs. Le texte est imprimé sur une feuille de deux mètres de haut, repliée en éventail en une sorte de livret. On en recense aujourd'hui quelques dizaines d'exemplaires que les musées s'arrachent, ou qui se vendent chez Christie's à plusieurs centaines de milliers d'euros.
Pour ceux qui n'ont pas plusieurs centaines de milliers d'euros, et qui ne vivent pas à côté du MoMA ou du Centre Pompidou, il y a internet. On trouve facilement le texte intégral en ligne, ou alors une version audio approuvée par Cendrars, et même un scan en haute définition du tirage nº 131 sur le site de la Internet Archive.
Et le poème alors ? Il raconte un trajet dans le transsibérien, forme très libre, fil de pensées intercalé de sons, d'images du voyage. Avec les couleurs, la mise en forme, la typographie de Sonia Delaunay, c'est une expérience sensorielle plutôt qu'une simple lecture, d'ailleurs Cendrars dédiera le texte "aux musiciens".
Si jamais quelqu'un ne sait pas quoi faire d'un des tirages d'origine, je l'afficherais bien dans le salon.
Footnotes
le texte a longtemps été considéré perdu, ou simplement inventé par l'auteur, jusqu'à ce qu'un poète bulgare en découvre une copie dans une librairie de Sofia. Une polémique s'ensuit : texte authentique ou fabrication ? ↩